EXCLUSION
Je vous propose ici un travail plongeant dans le monde de Kafka et de « La Métamorphose ». C’est en utilisant la métaphore des insectes que je souhaite parler du phénomène d’exclusion que ressentent, de par une différence quelle qu’elle soit, des personnes au sein d’une société. Au travers de paysages et de portraits hybrides, l’insecte, sans nul doute l’animal le plus exclu de notre société, qui nous inspire peur, curiosité, sentiment d’envahissement et dégout se mêle à l’humain dans une représentation fantastique très imagée. L’exclu, en marge, devient tel qu’il est perçu ; un parasite qui ne peut que se greffer à une société qui le repousse.
Afin de réaliser ce projet, j’ai choisi le genre portrait ainsi que le genre paysage comportant deux approches.
Dans un premier temps, j’ai réalisé des photographies de paysages au grand format présentés en diptyques afin de confronter deux points de vues d’usagers de la ville: celui qui en fait partie intégrante dans son quotidien et celui qui comme l’insecte se glisse dans ses interstices voyant tout sans être remarqué mais n’en faisant pas vraiment parti.
Le premier point de vue représente ce que l’ont exclu consciemment ou inconsciemment lors de nos déplacements, dans l’espace urbain, dans notre quotidien. Le principe de l’anti scheimpflug sert à mettre en exergue une seule partie de l’image (une seule ligne de netteté), afin de souligner cette exclusion visuelle. Le second, point de vue de l’insecte, de l’exclu, présent dans des interstices, perçoit tout de façon net car il ne peut se permettre d’exclure quoi que ce soit de sa vision.
J’ai réalisé dans un deuxième temps, des photo-montages entre des paysages et des éléments insectes. J’ai, pour cette approche, voulu représenter à travers des greffes dans le paysage urbain, les personnes exclues qui ne peuvent que venir se greffer à la société sans parvenir à s’y inclure totalement. Ces paysages imaginaires où quelque chose s’est glissée sont inspirés du travail de John Goto dans sa série « Hight Summer ». Ces greffes insectes perçues comme venant parasiter l’espace urbain sont également en lien avec le travail du sculpteur Tadashi Kawamata. Le paysage étonnant garde néanmoins des couleurs naturelles ce qui permet une progression dans un univers fantastique.
Dans un dernier temps, j’ai également produit des photos montages représentant des êtres hybrides et fantastiques à partir de portraits et de photographies d’insectes réalisés en studio avec un éclairage construit. Inspiré du travail de J. Bosch et de F. Kafka ces créatures sont dans des postures d’exclusion comme la honte, la souffrance, le repli sur soi même.
Ces images volontairement fantastiques pour la plupart d’entre elles résultent de ma volonté de faire passer un message face à ces exclusions autrement que par un reportage plus proche de la réalité. Ma passion des insectes a également pesé dans mon choix de ce sujet et c’est en ramenant ces « petites bêtes » à une échelle humaine que je souhaite attirer l’attention sur ceux à qui nous ne prêtons que rarement attention.
Ce travail de photographie contemporaine cherche à faire passer un message mais aussi à provoquer chez vous, contemplateurs, des émotions et des interprétations qui vous seront propres.
« L’araignée qui fait peur est écrasée, le phasme parmi ses branchages est occulté, le papillon de nuit drogué de lumière est ignoré jusqu’à sa funeste overdose, une cité de fourmis devenue gênante gazée. » A.CV
Auréliane CHAILLET-VESTUR